La mécanique des mots

Publié le : 18 mars 2024
Dans ma vision, être biographe c'est être un peu mécanicien. Professionnelle de l'écrit je suis, c'est-à-dire de la mécanique invisible qui permet à un texte de ''rouler''. Si les livres que je réalise sont le plus souvent le résultat d'entretiens entre moi et un narrateur, il arrive souvent aussi que l'on me confie un manuscrit « achevé » pour avis. Car aussi abouti semble-t-il être, pour qu'un texte « décolle » le coup de pouce de quelqu'un du métier peut s'avérer parfois nécessaire. L'histoire, évidemment, c'est la vôtre. Ce sont vos mots, vos formules, votre vision particulière de la vie et des événements. Cela, on pourrait presque dire qu'il s'agit de la carrosserie. Mais tout comme un bon mécanicien peut souvent savoir « à l'oreille » pourquoi un moteur ne tourne pas rond, dans mon métier d'écriture c'est pareil. L'écrou de la concordance des temps devrait-il être resserré, voire entièrement révisé ? À moins qu'une goutte d'huile, peut-être, dans l'articulation de certains passages ? Être biographe, c'est donc souvent avoir les mains dans le cambouis. Dans le cambouis des histoires que l'on me confie, avec pour mission justement de rendre la mécanique invisible. Car lorsqu'on ouvre un livre, quoi de plus beau que de sentir le texte prendre de lui-même son envol ? Toutes ses plumes à présent lissées, parfaitement ordonnées… On avait devant soi une mécanique un peu poussive, et voilà qu'apparaît un bel oiseau ! Biographe, je vous le dis, quel métier fantastique !
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